VIVONS L’AUTOMNE (suite)

  • 28 novembre 2020

Dimanche 31 X 2020

Christine et moi nous retournons en duo avec la Mercedes sur la route de Cabrières. Nous accédons à un monticule d’herbes agrémenté de quelques arbustes sauvages. Le point de vue nous offre une farandole de champs de vignes ou d’oliviers, délimités par des chemins, peuplés çà et là de cabanons.

Réaliser un tableau devant le motif pour le peintre c’est comme pour le prisonnier retrouver la totale liberté. Toutes les espérances nous sont permises à chaque degré des trois cent soixante qui nous entourent. Invitons-nous alors dans l’immense et transparente pièce de notre imagination. Comme dans un conte chaussons les bottes de sept lieues ! Il s’agit pour le peintre de se transporter dans chaque coin du paysage, s’y recueillir comme sur une tombe, noter ses impressions sur une page de son cœur. Puis, revenir devant son chevalet sans perdre la page en chemin et la poser sur la toile au moyen de la forme et de la couleur.

Si je pouvais découper aux ciseaux prendre un bout du ciel ou de la terre ! Au bout de sa peine c’est ce que réussit parfois un peintre. Même si depuis longtemps on ne lui demande plus une fidèle reproduction de la réalité. Il a une manière de faire qui rend unique chacune de ses créations.

– Peindre c’est quoi en définitive ?

Un jour l’un de mes amis peintres (du temps où j’en avais plusieurs aujourd’hui je n’en ai plus qu’un) s’est devant moi posé la question. Il continua ainsi :

– C’est savoir ajouter du rouge du jaune ou du bleu quand il le faut puis basta !

Je lui ai demandé de m’expliquer aussi le dessin.

– Apprendre quelques règles de la perspective. La ligne d’horizon, le point de fuite qui se confond avec le point de vue et encore une fois basta !

J’étais d’accord avec lui. Car le mieux, c’est se laisser porter par l’élan créatif, dessiner et peindre avec son âme tout en connaissant ce peu de lois afin de reconnaître et effacer en silence les barreaux de sa prison.

Revenons au motif du jour. J’ai dû faire beaucoup d’aller-retour et des paris avec moi-même : la teinte que je triture sur la palette est-elle la bonne ? Je suis seul juge :

– C’est de l’à peu près…

Ah ! Essayons de faire mieux. Mes gestes autour de la toile peuvent être plus efficaces. C’est parfois long et éprouvant. Mais puisque Christine est là, autant lui demander son avis :

– Que penses-tu de la couleur des pins  ?

– Oh, elle est pas mal.

Ou alors voilà qu’elle me dit :

– Un peu plus de vert foncé.

Merci ! Je retourne sur le paysage, je compare une nouvelle fois les deux et je reviens sur mon support, décidé cette fois à coller sur la toile la bave de mes pinceaux. Puissent les dieux de la peinture pardonner mes approximations !

À la fin je suis lessivé.

– C’est assez, il faut signer, prononce derrière moi Christine qui me voit un peu trop tergiverser.

C’est pratique pour le peintre que je suis, dans son délire, d’avoir une assistante artistique. Christine est bien plus que ça : elle fait vivre la galerie. C’est une déesse de l’art, une envoyée du ciel !

En plein soleil, la lumière s’avère impitoyable :

– Je n’ai pas fait la crevure du toit sur le cabanon du milieu.

– Quelle crevure ?

Du bout de mon pinceau, je lui montre ici le toit du cabanon en parfait état alors qu’au loin, dans les vapeurs bleuissantes du soir, la charpente a dû pourrir et les tuiles emportent dans leur chute une partie du mur.

– Mais on s’en fout de ça !

J’en conviens.

– Ce qui est important, me dit-elle, en me montrant les touffes des oliviers rebelles du premier plan, c’est ça !

Elle a raison et on s’en fout allons fonçons !

Encore peindre et dessiner ces quelques morceaux de branches broyées par la charrue du paysan puis les cailloux que le soc a soulevés avec leurs empreintes de coquillages.

Mais là je vais trop loin, trop vite, la déesse me reprend :

– Concentre-toi un peu plus sur ce que tu fais quand même ! Il ne faut pas bâcler.

Elle sait canaliser ma folie.

Pendant ce temps, le grand maître de la lumière poursuit sa course sur son orbite basse.

À la fin de la journée quand j’ai signé et daté le tableau, qu’ensemble avec Christine nous remballons les affaires, en voyant mes palettes encore dégoulinantes de couleurs, j’ai honte : de telles épaisseurs de peintures à peine touchées  prêtes à jeter au feu ! Mais non ! Tous ces témoignages de mes efforts, je vais  les partager avec vous!

À chacun sa palette signée et datée des jours de mon travail d’automne ! Il n’y aura qu’à commenter mon blog pour en recevoir un morceau ! Christine se fera un plaisir de vous l’envoyer…comme un cadeau de Noël !

 

à suivre…

Commentaires

  1. Noyer Jeanne

    Merveilleux ,ecrits, qui disent si bien les tourments des artistes.

    4 décembre 2020 Répondre
    1. Gérard ISIRDI

      Bravo à vous vous aurez la première palette signée!
      Gérard

      4 décembre 2020 Répondre
  2. Pierre Feder

    A la lecture de ce billet vous confirmez le rôle de Christine pour adoucir vos doutes artistiques.
    Alors belle fin d’année à vous deux
    PF

    4 décembre 2020 Répondre
    1. Gérard ISIRDI

      Adoucir est le mot merci Pierre tu as gagné la deuxième palette numérotée et signée!
      Gérard

      4 décembre 2020 Répondre
  3. Isabelle Desombre Labat

    L’automne… le bel automne des souvenirs! Pas sans l’autre…peint avec l’autre, indispensable créations toujours renouvelées avec amour et passion… belle année à vous deux…il faudra que je revienne vous voir et en couleurs ….IDL

    4 décembre 2020 Répondre
    1. Gérard ISIRDI

      Chere Isabelle, bravo ? tu as la palette numéro trois! Bises de nous deux à bientôt !
      Gérard et Christine

      4 décembre 2020 Répondre
  4. Grygorenko

    L’écriture est à la hauteur de la peinture et votre duo nous rend heureux, bonnes fêtes et merci pour la beauté bises à vous deux les amis
    Marie Martine er Simon

    4 décembre 2020 Répondre
    1. Gérard ISIRDI

      Quel plaisir à la lecture de votre commentaire. Vous aussi vous nous rendez heureux merci chers amis votre palette vous attend à Lourmarin vous aurez le numéro quatre !
      Gérard et Christine

      4 décembre 2020 Répondre
  5. Chers Gérard et Christine :

    Je possède plusieurs de vos tableaux — Chacun a sa propre vitalité et ses propres émotions. J’aime particulièrement vos peintures automnales, oui à cause des couleurs, et parce que vous capturez l’essence de la façon dont la nature laisse tomber son objectif d’été. La richesse des couleurs en automne et les impressions que me laissent les champs, les collines et les paysages me remplissent l’âme. Je ne peux pas échapper à ce qu’ils me font ressentir.

    Traduit avec http://www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

    5 décembre 2020 Répondre
    1. Gérard ISIRDI

      Merci Barbara, nous partageons la même émotion pour cette saison et aussi pour les autres ! Ta palette t’attend à l’atelier! A très bientôt,
      Gérard et Christine

      5 décembre 2020 Répondre

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